La folie d'un homme, limitée par un budget de production qui n'était pas à la hauteur de son ambition. Cet homme c'est Tetsuya Takahashi, l'auteur du monstre Xenogears. Ce titre est le cinquième épisode d'un projet encore plus ambition : une saga relatant 15 000 ans d'histoire dans cet univers fantastique et si particulier qu'est celui de Xenogears. Sortit en 1998, il s'impose comme une référence dans le monde du RPG grâce à son scénario blindé de références et qui balaye pratiquement tout ce que l'on a vu, films, livres et jeux vidéos confondus.
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Sur ce coup là, on commence directement par le point fort du jeu : son histoire, ses personnages, son univers. Tout est travaillé, aucun détail n'est laissé au hasard. Tout est pensé de fond en comble pour proposer au joueur une totale hallucination et un voyage unique au milieu de personnages tous aussi surprenant les uns que les autres. A noter que le personnage principal, Fei, est un des personnages les plus travaillés qu'il m'ait été donné de voir dans un jeu vidéo. Assez mystérieux dans la première partie de l'aventure, il révèle petit à petit son passé et ses antécédents pour finalement nous apparaître comme une tuerie scénaristique totale. Du côté des méchants, le travail est encore une fois exceptionnel : Grahf, ID, Ramsus, Miang, les Eléments, etc. Le nombre de personnages bons, mauvais ou neutres est énorme et, sachant qu'ils possèdent tous une part dans la compréhension globale du scénario, je vous laisse imaginer la complexité de celui-ci. Mais passons plutôt à du concret et découvrons maintenant le début du jeu.
L'introduction de Xenogears, toute en somptueux dessins animés, nous montre un vaisseau spatial se faisant attaquer par une force qui semblerait venir de l'intérieur de la coque. Les écrans du cockpit se remplissent d'un message étrange : "You shall be as god". Le vaisseau se crashe sur une planète et l'on aperçoit une femme avec de long cheveux bleus parmi les décombres. Le constat est clair dès le début : on ne comprend rien. Cette impression va rester une bonne partie de l'aventure, où les nouvelles questions arrivent sans cesse. Revenons au début du jeu : Krislev et Aveh se livrent une guerre depuis plus de 500 ans et personne ne se rappelle les raisons du conflit entre ces deux nations. Chaque camp est soutenu par une aide extérieure (Gebler pour l'un et Ethos pour l'autre) qui leur apporte de nouvelles armes sophistiquées et des soldats, en gros du soutien militaire. Ces armes sont en majeures parties trouvées dans des anciennes ruines vieilles de quelques centaines, voire milliers d'années. Elles s'apparentent à des robots pouvant être dirigés par des êtres vivants : les gears. C'est après cette petite présentation que l'on découvre Fei en train de peindre des tableaux assez surprenant, et avec un style si... particulier. Aujourd'hui est un jour particulier puisque c'est la veille du mariage d'Alice et Timothy, ses deux meilleurs amis. Lahan, le village où a été recueilli Fei trois ans auparavant (il est amnésique, on s'en doutait), est donc en fête, prêt à célébrer cet heureux événement que constitue ce mariage. Malheureusement durant la nuit, une bataille entre un gears éclate en plein village. Ils tombent de nulle part et le combat ne tarde pas à mettre feu au village. Fei monte dans l'un d'eux où, bizarrement il n'y a pas de pilote, puis fini par s'énerver, réduisant simplement à néant le village. Au réveil, notre héros ne se souvient plus de ce qu'il a fait et est banni par les rares survivants du désastre.
Un début assez classique (pouvoir surpuissant enfoui par le héros, amnésie, flash-backs, le bannissement, etc.) et par la suite aussi, jusqu'à un certain point dans le jeu où tout s'enchaîne et se révèle, on retrouve tous les éléments d'un scénario classique de RPG. Sauf que dans Xenogears, on ne se contente pas du classicisme puisque sans cesse on se pose des questions sur les évènements. On sent qu'il y a un truc énorme derrière tous ces personnages et ces flash-backs. C'est vraiment la force du soft, nous faire ressentir une montée constante dans le scénario, en parallèle d'évènements tout a fait classiques (sauver une princesse, libérer des esclaves, s'échapper d'une prison, etc.). Comme une bulle qui grossit et éclate vers la fin du premier cd avec quelques révélations bien sympathiques. On sent déjà à ce moment là que le scénario est remarquable. Sauf qu'on ignore encore ce qu'il va se passer dans la galette suivante, c'est-à-dire l'hallucination totale, la perte de contrôle du jeu ou encore la défonce scénaristique. On pourrait trouver encore des dizaines de termes pour définir le pur bonheur que procurent l'histoire et les personnages de Xenogears.
Pour résumer, le scénario de ce soft est exceptionnel. Ceci sans compter les multiples références (bibliques et philosophiques pour les plus importantes) sur les noms, les situations voire les dialogues. Si l'on souhaite décortiquer la grande complexité de l'histoire, il faudra se replonger dans les livres historiques, philosophiques et religieux. Le joueur doit s'investir à fond dans le jeu pour en savourer toute la quintessence de cette histoire de fou. Ce qui fait le fer de lance de Xenogears, son histoire, peut donc se retourner contre lui et perdre le joueur dans sa complexité. Enfin, on ne va pas s'en plaindre car un jeu qui propose des références et des thèmes aussi puissants est assez rare. Et voila, quatre paragraphes bien mérités pour parler du meilleur scénario jamais créé pour un RPG, et d'ailleurs pour un jeu vidéo en général (je rajouterai même le cinéma et la littérature mais bon je n'ai ni tout lu, ni tout vu... et j'espère être encore surpris!). Passons maintenant à des éléments du jeu un peu moins réjouissant, même plutôt moyen : la réalisation, puis le gameplay.
Le jeu datant de 1998, on peut s'attendre à des graphismes assez vieillots vu les production actuelles. Sauf que déjà à l'époque, la réalisation n'était pas au top. La tendance était de faire progresser un personnage modélisé en 3D dans des décors 2D assez travaillés. Pour Xenogears, c'est totalement l'inverse, les personnages sont des sprites 2D assez laids (attention le design est génial, ici on parle juste de la technique!) dans des décors en 3D, encore plus horribles. Bon d'accord, on peut tourner la caméra pour observer les environnements comme on le souhaite, mais ceci ne fait pas oublier la bouillie de pixels qui apparaît à l'écran. D'ailleurs, en parlant de la caméra, elle n'est pas très bien gérée et il arrive souvent que les décors cachent notre héros, quel que soit l'angle de la caméra. On progresse donc parfois à l'aveuglette, ce qui est assez pénible. Ces points concernent les phases d'exploration. Quant aux combats, la réalisation est déjà meilleure. Les effets spéciaux sont nombreux et particulièrement soignés, à pied comme à bord des gears. Seul bémol : chaque fois qu'un personnage tape un ennemi, l'écran fait un rapide flash blanc qui se transforme en stroboscope lors des combos. Au bout d'un moment, ces flashs à répétitions peuvent donner mal au crâne, surtout si l'on joue dans une pièce sombre. Enfin rien de grave quand même, juste une petite précision ! Sinon en ce qui concerne les vidéos en dessins animés, rien à dire c'est beau et remarquablement mis en scène, superbe.
On ne va pas revenir sur les phases d'exploration, assez pénibles à cause de la caméra qui ne montre pas toujours ce que l'on souhaite. Passons directement aux combats, qui se décomposent en deux types : les affrontements à pied et à bord des gears. A pied, outre les magies qui s'utilisent normalement, le concept des attaques est assez original. Trois touches de la manette sont assignées pour trois coups différents : triangle pour un coup faible, carré pour un coup moyen et croix pour un coup fort. Comme dans Chrono Cross, un coup puissant à plus de chance d'échouer qu'un coup faible mais précis. Chaque coup utilise un montant d'AP (un, deux ou trois selon la puissance) et on peut les enchaîner pour faire plus de dégâts. Les personnages possèdent un niveau d'AP représentant le nombre d'AP maximum pouvant être utilisé en un tour. Ce niveau augmente au fil de l'aventure, lors des moments clés. Il est de trois au début, puis monte jusqu'à sept à la fin du jeu. Par exemple, si le niveau d'AP est cinq, le personnage pourra enchaîner cinq triangles, ou trois triangles et un carré, ou encore une croix et un carré. Evidemment, nos héros possèdent des coups spéciaux dérivant de ce principe : les deathblows. Ils s'apprennent au fur et à mesure des combats et correspondent à une certaine combinaison de coups. Par exemple "triangle-triangle-croix" aboutit au deathblow " Senretsu" pour Fei ou "Engetsu" pour Citan. Un très bon concept puisqu'en plus de la montée classique des niveaux, on recherche les deathblows de chacun.
Les combats en gears sont bien plus techniques, du moins vers la fin du jeu car les premiers affrontements sont assez faciles. En plus de la jauge de HP à surveiller, une jauge de fuel apparaît. Lorsqu'elle tombe à zéro le robot est paralysé. Pour la gérer, deux nouvelles options de combat sont présente : Charge et Booster. La première permet de récupérer un montant déterminé de fuel (30 de base mais qui peut être augmenté grâce à de nouveaux équipements) mais fait perdre un tour. La deuxième option, Booster, accélère nettement le gear (vitesse multipliée par deux) mais consomme une somme importante de fuel à chaque tour. Sachant que l'on ne peut remplir sa jauge de fuel que dans les magasins pour les gears (et à certains rares endroits dans les donjons), on réfléchit à deux fois avant d'utiliser le Booster. Le système d'attaque est un peu similaire à celui des combats à pied : chaque bouton correspond à un coup qui consommera plus ou moins de fuel selon la puissance. Avec les gears, une seule attaque normale est autorisée par tour (pas de deathblows proprement dit) mais au bout de un, deux ou trois tours (ça dépend de l'équipement du gear) où l'on ne fait que des attaques normales, on peut exécuter un combo de deux touches, qui fait en général très mal ! Exemples : au bout d'un tour, on peux utiliser "triangle-triangle" ou "triangle-carré", au bout de deux tours d'attaques normales, on a accès à "carré-triangle" ou "carré-carré" et enfin au troisième ce sera "croix-triangle" ou "croix-carré". Ces enchaînements dépensent évidemment du fuel et il faudra une nouvelle fois bien gérer ce paramètre qui est la clé de la victoire lors des combats difficiles. Je finirai ce chapitre en parlant rapidement des "Special Options" des gears, qui permettent notamment de récupérer les HP du robot (les sorts et les objets de soins ne marchent pas, sic!) voire de lancer des attaques surpuissantes, sacrifiant une quantité énorme de fuel. Les combats en gears apportent donc beaucoup au gameplay généralement assez sobre de Xenogears.
L'aspect musical de ce soft est sans conteste un point fort. Le compositeur n'est autre que Yasunori Mitsuda, qui a auparavant travaillé sur les somptueuses musiques de Chrono Trigger en 1995 et qui composera celles de Chrono Cross en 1999 (soit un an après Xenogears). Les thèmes de Xenogears sont tout simplement géniaux. Des personnages aux villages, rien n'est à jeter. Mention spéciale pour le thème de Grahf qui est exactement tourné à la manière du personnage dans le jeu et ses apparitions sont en générale signe de scène culte. Attention toutefois, certains thèmes, notamment dans les villages, sont très répétitifs. Ceci est dû à la courte longueur des musiques, tournées en boucle dans le jeu, et après une demi heure voire trois quarts d'heure passés à écouter la même mélodie, aussi géniale soit-elle, ça énerve un peu et on a envie de passer à autre chose. Ce n'est donc pas forcément la faute du compositeur, qui révèle ici tout son génie, mais celle des développeurs qui ont mal géré l'ambiance sonore de certains lieux (les villages surtout). Malgré ça, les oreilles sont flattées : une si belle musique sur de si beaux moments, ça vaut le coup de verser une larme.
Voila, je crois que tous les points de ce fabuleux Xenogears ont été abordés, reste plus que la durée de vie et donc l'amorce vers un sujet délicat : celui du budget. L'aventure se boucle en une grosse cinquantaine d'heures (soixante pour les moins rapides), mais il faut avouer que dans le second cd, on ne joue pas beaucoup. Des donjons, des personnages et des scènes ont été enlevés dans la version finale car Squaresoft n'a pas vraiment cru à l'aboutissement du projet et a diminué le budget alloué à Xenogears (pour privilégier Final Fantasy 8, mais ça c'est une autre histoire). Résultat, le deuxième cd ne fait que "raconter" les évènements. Personnellement ça ne me dérange pas, on découvre plus vite le scénario sans passer par de laborieux donjons, mais le jeu aurai été plus long (et donc plus bon) si Takahashi avait bénéficier de tous les moyens souhaités.
Pour résumer, Xenogears est tout simplement un des meilleurs RPG de la Playstation. Son scénario de malade, ses personnages sensationnels et son univers envoûtant le hisse au rang des jeux, toutes catégories confondues, à faire au moins une fois dans une vie.
Zeus
Concepteur | Editeur | Machine | Version testée | Difficulté |
Squaresoft | Squaresoft | Playstation | NTSC | Moyenne |
Réalisation | 13/20 | Déjà à l'époque de la sortie du jeu, les graphismes n'étaient pas la référence, loin de là. Restent les splendides cinématiques et les quelques effets spéciaux des combats qui rattrapent le tout. Le design est génial. |
Jouabilité | 15/20 | Le gameplay est assez original, et aussi technique lors des combats entre gears. Les phases d'exploration sont assez pénibles à cause de la caméra capricieuse. |
Musiques | 17/20 | Splendides. Les thèmes sont merveilleux et "collent" vraiment aux personnages et aux situations. |
Durée de vie | 16/20 | Une bonne cinquantaine d'heure est nécessaire pour finir Xenogears. Les quêtes annexes sont peu nombreuses et le cd 2 est très court, mais on y revient avec plaisir pour comprendre les subtilités du scénario. |
Scénario | 19/20 | Du jamais vu, le scénario est exceptionnel et complexe, les personnages sont nombreux et tous travaillés et les références inondent le joueur. Du grand art ! |
Plaisir de jeu | 18/20 | On reste scotché devant le jeu dès le départ (pourtant classique) jusqu'à la fin. Et entre ces deux moments on devient fou, triste, penseur ou encore joyeux grâce à la magnifique histoire qui nous est narrée. |
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Note Globale | 18/20 | Xenogears est une référence dans le domaine du RPG. Bien que la réalisation soit sommaire, on passe outre et on plonge dans la pure extase scénaristique. |
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